Un mois pour un « nous » !
Depuis 6 ans, le mois de février est l’occasion de se réapproprier l’Histoire et l’héritage des populations afro-descendantes partout à travers le monde. C’est le Black History Month. En France, cet événement institutionnalisé par la communauté noire américaine prend de plus en plus d’ampleur et l’on ne peut que s’en féliciter. Malgré les impératifs d’organisation imposés par les mesures sanitaires, les villes de Bordeaux, La Rochelle, Le Havre et Bayonne accueillent une série d’événements placés, panthéonisation oblige, sous le signe de l’hommage à Joséphine Baker. Tables rondes, projections de documentaires ou encore visites guidées sur les traces du Passé négrier ou du Château des Milandes, l’ancienne résidence de Joséphine Baker et de sa « tribu arc-en-ciel », seront les points forts de ce mois de célébration. Notons que la Guadeloupe participe également à l’événement avec une projection de « Joséphine Baker, un destin français » de Dominique Eloudy-Lenys au CinéStar des Abymes. Malgré sa relative timidité, la version française du Black History Month est plus que jamais l’occasion de prendre conscience des apports culturels des afro-descendants de France et d’ailleurs à la Culture occidentale, européenne et hexagonale.
Afin de prolonger le Black History Month, ARTE propose (en direct ou en replay) la série documentaire de Raoul Peck : « Exterminez toutes ces brutes !« . Co-produite par la chaîne américaine HBO, cette œuvre fleuve, composée de 4 chapitres, est une vertigineuse exploration des origines du suprémacisme blanc et de ses impacts sur le destin des peuples colonisés ou réduits en esclavage depuis la découverte de l’Amérique jusqu’au mandat de Donald Trump. À travers les exemples du génocide amérindien, de la Traite négrière, de la colonisation européenne en Afrique et de la Shoah, le réalisateur haïtien se livre a une passionnante réflexion sur l’écriture de l’Histoire illustrée par un montage mêlant images d’archives, infographies animées, souvenirs personnels et extraits de films. Ce que démontre Raoul Peck, c’est à quel point la Mémoire est et restera quelque chose de vivant, que sa transmission est plus que jamais nécessaire.
Cette transmission de la Mémoire peut prendre de nombreuses formes. Elle peut s’ancrer dans une monumentalité urbaine comme, par exemple, la future station de métro prolongeant la ligne 12 au niveau d’Aubervilliers et qui portera le nom d’Aimé Césaire. Située à 3 minutes de Paris, la station qui accueillera plus de 15 000 voyageurs par jour contribuera à entretenir dans l’espace public la mémoire du « chantre de la Négritude », écrivain devenu homme politique. Autre exemple d’une transmission culturelle vivante : le travail de la maison d’édition « Une voix… Une histoire », fondée en 2016 par Manick Siar-Titeca, une psychologue guadeloupéenne spécialite des Langues et cultures régionales des Caraïbes. Cette première plateforme de livres audio dédiée à la Littérature et aux auteurs caribéens met en lumière (ou plutôt en son) le talent des plumes ultramarines et fait la part belle aux sonorités chantantes du Créole à travers une sélection de romans, essais et contes pour les enfants, les adolescents et les adultes. Les technologies du Web les plus récentes rencontrent ainis l’ancestrale tradition du récit oral, du griot originel qui permet de faire se croiser et circuler les savoirs et les traditions de génération en génération !
Le 7ème Art est également de la partie dans cette célébration d’un Passé dorénavant tourné vers l’avenir. Sélectionné dans la catégorie du Meilleur court-métrage aux Césars 2022, le film « Soldat noir » de Jimmy Laporal-Trésor met en scène l’émergence dans l’Hexagone des années 80 d’une nouvelle génération de jeunes Antillais décidés à ne plus accepter les standards racistes du quotidien de la société française de l’époque. Nul doute que ce portait, aussi court qu’intense, d’un jeune ultramarin révolté saura toucher les membres de l’Académie composée des grands noms du Cinéma français et obtenir la reconnaissance qu’il mérite, le 25 février prochain ! De reconnaissance, un autre nom de la création audiovisuelle venu des Caraïbes, n’en déméritera pas : Alain Bidard. Personnalité incontournable de l’Animation, ce réalisateur indépendant devenu son propre producteur, est l’auteur du premier long-métrage d’animation réalisé dans les Caraïbes et l’un des plus beaux exemples de Science-fiction créole : « Battledream Chronicle », une évocation afro-futuriste de l’Esclavage sortie sur les écrans du monde entier en 2015. Après ce succès planétaire couronné par des récompenses dans de nombreux festivals, cet infatiguable martiniquais continue de réinterroger les clichés américains ou japonais issus de l’emprise des grands studios avec « Opale », une œuvre animée sur le thème douloureux de l’inceste qui, comme son précédent film, a su émouvoir les amateurs de Cinéma puisque le film vient d’obtenir le Prix du Meilleur Film d’animation de la Caraïbe au Festival de Trinidad et Tobago. Tant de talents ultramarins sont encore à découvrir par les spectateurs de la diaspora et par le grand public hexagonal !
L’émission de radio « Jazz Connection », proposée par la chaîne Youtube Krystel Ann Art et mise en ligne le 2 février dernier, consacrée à Sonny Troupé, batteur et percutionniste guadeloupéen devenu une référence de la scène Jazz et de la musique caribéenne. Fils du musicien Georges Troupé et fort de ses collaborations avec des grands noms de la Musique comme Jacques Scwartz-Bart ou Lisa Simone, il mêle l’héritage ancestral du Gwoka avec les influences contemporaines. A l’occasion de cet entretien ponctué de nombreux morceaux de classiques du Jazz, Sonny Troupé nous parle de l’importance de la Musique pour vibrer, transmettre et se battre.