K’s Point de vue : Femmes, jeunes, ultramarins : carrefours intérieurs

Partager l'article

Il y a quelques temps, un ami et moi discutions de l’intersectionnalité. En quoi est- il nécessaire de saucissonner les luttes ? Il n’en existe pas de grandes et de petites: toutes sont justifiables, justifiées. Mais certaines, telles la liberté d’expression, l’égalité réelle, la fraternité qui n’assigne personne, n’ont pas besoin d’être fractionnées. Elles sont une nécessité, ici, partout. 

 Nous avons raté quelque chose en n’ajoutant pas de sciences humaines à la science 
Sylvie Gustave dit Duflot (Emmanuel Macron – En marche)

Là n’est pas la question, répliqua-t-il. Que les luttes aient les mêmes ambitions n’empêchent pas de les détailler pour parvenir aux objectifs qui, en effet, sont les mêmes pour toutes et tous. Expliquer que certaines populations souffrent de double, de triple voire de quadruple discriminations permet de poser le débat sous des angles différents et, par là, de sortir d’une uniformité idéologique, source de domination. Si les buts sont les mêmes, si nous partageons le même territoire, nous n’avons pas les mêmes histoires, les mêmes éducations voire les mêmes cultures. Matthieu – l’ami en question – et moi sommes tous deux ce qu’il est coutume d’appeler des ultramarins.

Étudier n’est pas un privilège, c’est un droit
Hadrien Toucel, (LFI – Jean-Luc Mélenchon) rejoint par Kenzy Gauthiérot (EELV – Yannick Jadot)

« Les jeunes » ou l’erreur de la globalisation

L’association Sorb’Outremer a organisé, le 17 mars, une rencontre avec « les représentants outre-mer » des candidats dans l’amphithéâtre Bachelard de l’une des plus anciennes université du monde, La Sorbonne. Ils sont douze pour cette présidentielle 2022, fortement marquée par la droite et l’extrême-droite. Cinq sont présents, ce soir-là, majoritairement de gauche. Sorb’Outremer a reçu le soutien du Crefom, de l’association l’association FAPE, Français à Part Entière et du think tank Terra nova.  La rencontre est scindée en deux salves de questions : celles des étudiants puis celles du public. La première partie s’est attachée à la formation, à l’intégration de cette jeunesse, formée et expatriée, au marché de l’emploi Outremer, à la lutte contre « la fuite des talents ». Sur la citoyenneté, un autre sujet mis en débat, « il faudrait bien plus que le temps de cette rencontre pour en parler », énonce Olivier Nicolas, représentant de la candidate Anne Hidalgo. Les étudiants ont enfin souhaité échanger sur la transition écologique, sur la justice environnementale, sur l’urgence climatique : ils sont restés sur leur faim. Tout comme la salle. « C’est du foutage de gueule. On prend des nouveaux et on recommence » s’insurge Lydie, participante. Elle a 35 ans,  est mère de famille, en reprise d’étude. Elle en a gros sur le cœur. Ses mots et sa fougue touchent celles et ceux qui assistent aux débats depuis l’hémicycle. Elle souhaite renverser la table, tout remettre à plat, tout reprendre. Elle est fortement applaudie. Keyza Nubret, en charge des relations publiques de l’événement, rappelle qu’il n’a pas été fait mention de la culture. Une aberration lorsque l’on sait son poids économique, l’influence de la culture ultramarine dans le monde. «La culture est un réel avantage. C’est une industrie. Elle est pourtant le parent pauvre dans les territoires. C’est choquant. Combien n’ont pas pu se relever après la crise due à la pandémie du COvid ?» interroge-t-elle dans son discours de clôture.

 Le succès viendra lorsque l’on acceptera la diversité des exemples de réussite 

« Les femmes » : une nouvelle définition du potomitan

« Il nous faut passer d’une égalité formelle à une égalité réelle » commence Joly Andres du think tank Refondation, à l’initiative de l’ouvrage Le pouvoir des femmes à influencer le débat : mythe ou réalité ? La conférence de presse de lancement s’est déroulée à Paris également, quelques jours plus tard, le 21 mars, en perspective de « l’élection présidentielle (…) ce temps privilégié pour mettre en débat les questions essentielles de notre temps » (Patrick Tivollier, président de Refondation). Un double panel de femmes, composé d’avocates, d’entrepreneures, de journalistes, d’élue et de collaboratrices politiques y ont exposé leurs réalités quotidiennes, la manière dont chacune, à sa place, agit en la matière, interroge ou est interpellée par les limites de l’exercice. « Notre résilience, notre  intuition, notre boussole intérieure, notre raison d’être, nos valeurs, notre créativité nous donnent la faculté de nous faire entendre. Nous devons simplement nous sentir légitimes, sans nous poser la question de l’interprétation de notre discours, sans penser à notre qualité de femmes » avance Alissa Pelatan, avocate, dans le recueil. « Les droits des femmes sont le baromètre des sociétés pacifistes » indique Florence Gabay, collaboratrice politique. « On peut s’amuser à faire voter des lois supplémentaires ou appliquer celles qui existent » renforce Thaima Samman, avocate. Éducation ! « Les femmes se battent beaucoup mais il faut que les hommes s’engagent » complète Patience Priso, responsable d’associations et manageure chez Netflix. « Le succès viendra lorsque l’on acceptera la diversité des exemples de réussite » conclut Laurence Comte-Arassus, manageure général de GE Healthcare.   

Comment universaliser la diversité des points de vues pour créer une société plus juste, plus équilibrée, plus égalitaire ?

Français.e à part entière (FAPE) engage le débat sur l’égalité

Comment universaliser la diversité des points de vues pour créer une société plus juste, plus équilibrée, plus égalitaire ? Telle devrait être la question centrale d’une Société, d’une Démocratie, d’une République qui évolue, qui avance, qui se renforce plutôt que se renfrogner. En la matière, l’association FAPE, Français.e à part entière, organisait une  conférence/débat grand public, à Paris, jeudi 7 avril autour de la question Où en est-on de l’égalité et de l’équité ? avec des représentants de candidats à la présidentielle 2022.

La laïcité est devenue l’épée avec laquelle on coupe des têtes, celle par laquelle on définit  qui est plus ou moins attaché à la République via un spectre imposé par un dominant aux dominés (Nasteho Aden – LFI)

Cinq candidats étaient représentés au 220 rue de la Convention à Paris : Jean Lasalle (Résistons) par  Yamina Grosjean, Fabien Roussel (PCF) par Jessica Elonguert, Yannick Jadot (EELV) par Kenzy Gauthierot, Jean-Luc Mélenchon (LFI) par Nasteho Aden  et Emmanuel Macron (LREM) par Maude Petit. « Toutes et tous n’avaient pas envie de débattre de certains sujets » justifiera plus tard Keyza Nubret. 

Entamer le propos par la laïcité pouvait sembler périlleux.  Elle semble, selon l’association FAPE, un bon angle d’observation du principe d’égalité. C’est donc par là, par une série de question préparée par l’association, renforcée par celles du public que les échanges ont débuté. La stigmatisation des personnes maghrébines, musulmanes ou pas, de l’Islam plus globalement enflamment très vite le débat. A propos de cette « discrimination sous-jacente », une participante demande «  une commission d’enquête sur tout ce qui s’est passé ces cinq dernières années » tandis que la salle en appelle à préciser le terme de laïcité sous couvert duquel, aujourd’hui, toutes les couleurs du racisme semblent s’exprimer.

Aujourd’hui les gens meurent plus pauvreté que de radicalisme 
(Jessica Elonguert, PCF)

Égalité de traitement entre les territoires

Tandis que les échanges, les témoignages, les interpellations débordent le programme imparti, Keyza Nubret, vice-présidente de la FAPE rappelle qu’il doit également être question d’un sujet qui lui tient particulièrement à cœur : l’égalité de traitement entre les territoires et, singulièrement entre l’Hexagone et les territoires dits d’outre-mer. Brutalité des réponses répressives – elle cite le transfèrement brutal d’au moins deux hommes dans l’affaire dites « des Grands frères », en Guadeloupe -, chlordécone, mesures sanitaires, problème de distribution d’eau, «  cette question qui se pose aujourd’hui s’est toujours posée tandis que nous avons toujours été Français.e.s » souligne-t-elle dans son propos liminaire. Kenzy Gauthiérot rebondit avec émotion sur une autre affaire en Guadeloupe, celle de Claude Jean-Pierre dit Klodo et précise : « il y a une inégalité claire en matière de distribution d’eau dans les territoires dits d’outre-mer ». « Il y a le cas de la Guadeloupe mais aussi ceux de Wallis et Futuna et de la Guyane ». «  Partir de la base, des territoires, de la population » évoque Yamina Grosjean. « Il faut travailler en prenant l’expertise de tout le monde : tant que l’on ne pensera pas les politiques, la politique en partant de la base, en revoyant les postures, nous n’avancerons pas ». 

Peut-être que l’on ne ressent pas ce qui a été fait mais il y a des actes, des actions qui ont été menées pendant ce quinquennat

Maud Petit, LREM

FAPE pour Français.e à part entière 

Difficile de juguler ce besoin d’expression renforcée par l’approche du premier tour. Bilans et réalisations, plans par secteur d’activité :Maud Petit défend longuement – non sans difficulté, la prime du sortant –  le bilan du président-candidat. Il est déjà temps pour le  panel « Société civile », invité à donner un avis sur les cinq dernières années politiques, de s’exprimer.  Nadia Lazzouni, journaliste pour Le média, s’amuse de ce que « dès que l’on défend la justice sociale, l’égalité, une France où chacun peut se reconnaître, on soit d’emblée étiquetée militante ». Elle parle d’un quinquennat du « mépris » où « les femmes et les hommes sont perçus en fonction de leur utilité ». Joly Andres, cadre d’une grande entreprise et membre du think tank Refondation, plus pondérée, regrette l’ampleur de la déception. « En 2017, le profil du président-candidat, atypique tout de même, faisait écho aux parcours atypiques de nombre de Françaises et de Français. Il a suscité beaucoup d’espoir. Il suscite aujourd’hui beaucoup de déception ». « L’espoir se construira dans les ruines de cette crise » conclut avec philosophie et sagesse Damien Nicolas, étudiant, président de l’association Sorb’Outremer.

L’association FAPE, présidée par Jessica Louemba Dosso, co-présidée par Keyza Nubret et gérée par Amina Bacar a été crée en octobre 2021. Elle envisage notamment de promouvoir l’inclusion, les projets pour plus d’équité, de favoriser la dynamique d’égalité des chances, d’être actrices et acteurs de l’application de la Charte de la diversité, de déconstruction des clichés. Ce débat s’est inscrit dans le calendrier électoral. Le premier tour de l’élection présidentielle de 2022 s’est tenu dimanche 10 avril avec le résultat que l’on sait. Au cocktail de fin d’événement, pensé comme un moment pour poursuivre la discussion, il était sur toutes les lèvres, dans toutes les discussions. Tout comme la présence des extrêmes et d’extrémismes jamais atteinte jusqu’ici.

Partagez l'article