L’agence K’s revient sur le courrier officiel du député de Guadeloupe Elie CALIFER qui propose à la présidente de l’Assemblée nationale d’installer au Palais Bourbon le portrait du député de la Convention Jean-Baptiste BELLEY, afro-descendant ayant participé à l’élaboration du décret d’abolition de l’Esclavage en 1794.
Il arrive parfois que les figures du Passé reprennent sens à la lumière des urgences du Présent…
Le 16 Pluviose de l’An II, soit le 4 février 1794, la Convention nationale de la première République née de la Révolution française proclamait le Décret d’abolition de l’esclavage des « Nègres » dans les colonies. Parmi les auteurs du décret, un député montagnard démocratiquement élu par le peuple français et membre du Club des jacobins : Jean-Baptiste BELLEY, le premier député français noir, représentant le département du Nord de la colonie française de Saint-Domingue. Né sur l’île de Gorée et vendu à l’âge de deux ans à des négriers, le jeune BELLEY a fini par racheter sa liberté, devenir perruquier libre et s’engager dans la Guerre d’indépendance américaine avant de rejoindre les rangs des révolutionnaires et d’être élu à la représentation nationale. Il est l’un des pionniers de ce qui deviendra plus tard l’élite des Outre-mer, toujours épris de Liberté et toujours dans la lutte contre le racisme et les inégalités. Cette popularité, en son temps, est d’ailleurs confirmée par l’existence d’un portrait officiel du député, peint en 1797 par Anne-Louis GIRODET DE ROUSSY TRIOSON et qui fait partie intégrante des collections du Château de Versailles.
Le 7 février 2014, soit 230 ans plus tard, Elie CALIFER, député de la 4ème circonscription de Guadeloupe, a visité l’exposition « Oser la liberté – Figures des combats contre l’esclavage » qui s’est tenue du 9 novembre 2023 au 11 février 2024 sous les illustres voûtes du Panthéon. Guidé à travers les œuvres et l’Histoire par la commissaire de l’exposition Madame Florence Alexis, spécialiste de la question et auteur du livre ayant inspiré cet événement co-organisé en collaboration avec la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage, le député a ainsi pu redécouvrir les figures européennes de la résistance à l’esclavage comme Mirabeau, l’Abbé Grégoire ou Olympe de Gouges. Mais cette visite fut surtout l’occasion de redécouvrir l’héritage trop souvent oublié des pionniers de l’abolition dont le sang africain coulait dans les veines. Parmi les noms des grands combattants (militaires ou politiques), on se souvient bien sûr de Toussaint LOUVERTURE, du Général DUMAS ou de Louis DELGRES. Mais d’autres personnalités moins connues méritent également d’être rétablies dans la mémoire collective. C’est le cas de Jean-Baptiste BELLEY, dont le portrait trône fièrement dans l’un des espaces de l’exposition !
Fort de cette expérience mémorielle et à l’aune des célébrations de la proclamation du Décret de l’abolition de l’Esclavage du 4 février 1794, le député CALIFER a pris l’initiative de rédiger à la présidente de l’Assemblée nationale, Mme Yaël BRAUN-PIVET, un courrier lui faisant une proposition aussi étonnante que pertinente : demander le transfert et l’installation dans les murs du Palais Bourbon du fameux portrait de Jean-Baptiste BELLEY. Dans son adresse à la présidente, il explique que « si les commémorations portent en elles le germe d’un rappel nécessaire, il me semble important que certaines causes occupent nos murs de manière pérenne ».
Cette proposition n’a rien d’anodine car, aussi incroyable que cela puisse paraître, l’Assemblée nationale n’abrite actuellement aucun portrait d’homme politique ou de député afro-descendant.
La seule référence à l’Histoire « noire » de la France est une fresque d’Art contemporain dans laquelle la nature négroïde des traits qui figurent le descendant d’Africain est plus que douteuse… voire gênante. Derrière l’anecdote historico-artistique, l’accrochage de ce tableau fait figure de symbole.
Sorte de « panthéonisation » politique, l’entrée de Jean-Baptiste BELLEY dans les murs de l’Assemblée nationale constituerait une véritable reconnaissance de l’engagement des populations afro-descendantes dans le grand récit national et de leur place dans la grande Histoire républicaine de notre nation. En « incluant » le portrait du premier député noir de la Convention, c’est bien l’inclusion de tout le monde ultramarin et des citoyens français issus de la diversité qui est ici célébrée, rappelée et mise en avant.
Plus qu’une question de visibilité artistique ou symbolique d’une figure historique, il s’agit donc bien de redonner sa place dans la société à toute une population longtemps méprisé et mise de côté. C’est peut-être cela, la plus grande noblesse du Politique !